Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
274
CORRESPONDANCE

qui, pour n’être pas neuve, n’en est pas plus consolante.

Comment un homme sensé comme toi a-t-il pu se méprendre à ce propos sur mon voyage d’Italie ? Ne vois-tu pas qu’une fois rentré, je ne sortirai plus et que d’ici à…, la saison de mes pérégrinations est close ? Comment et avec quoi, animal, irais-je jamais en Italie si je n’y vais pas cette année ? Mon voyage d’Orient a rudement entamé mon mince capital. Le soleil l’a fait maigrir. Crois-tu que, comme toi, je ne sente pas bien la fétidité d’un voyage exécuté sans préparations et qui durera peut-être six mois tout au plus ? N’importe, j’en prendrai ce que je pourrai, quoique, à suivre mon penchant, je voudrais rester en Italie le temps d’y travailler sur place et de m’infiltrer goutte à goutte ce que je vais avaler à grandes gorgées. C’est comme pour la Grèce ; je hausse les épaules de pitié, en songeant que j’y vais rester quelques semaines et non quelques mois. Espérons, malgré tes prédictions, que le voyage d’Italie ne me poussera pas à l’hyménée. Vois-tu la famille où s’élève, dans une tiède atmosphère, la jeune personne qui doit être mon épouse ? Madame Gustave Flaubert ! Est-ce que c’est possible ? Non, je ne suis pas encore assez canaille.

C’en est donc fini de l’Orient. Adieu, mosquées. Adieu, femmes voilées. Adieu, bons Turcs dans les cafés, qui, tout en fumant vos chibouks, vous curez les ongles des pieds avec les doigts de vos mains ! Quand reverrai-je les négresses suivant leur maîtresse au bain ! Dans un grand mouchoir de couleur elles portent le linge pour changer ;