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CORRESPONDANCE

me refuse généralement point. Tu me fais tant de compliments sur mes lettres que je crois que l’amour maternel t’aveugle tout à fait. Car il me semble, à moi, que je ne t’envoie que de bien fades lignes et surtout bien mal écrites. C’est comme celles que j’envoie à Bouilhet ; le cœur m’en soulève quand je les relis. Quant à toi, comme je sais que ce n’est pas la qualité mais la quantité qui t’importe, je t’en expédie le plus que je peux.

J’ai lu ton numéro 45 avant-hier, dans le bureau même du Directeur des Postes (qui est dans toutes les villes, qu’il soit Turc, Français ou Arabe, la personne avec laquelle je me mets tout d’abord le mieux possible). Grâce à mes bassesses, j’ai mes lettres trois heures avant tout le monde. On m’en a d’abord donné une du jeune Bouilhet qui m’a fort amusé, puis une de toi où je vois que tu vas bien ; c’est ce que m’assure de son côté mon ancien collaborateur. En fait de nouvelles que tu m’apprends, le mariage d’Eugénie m’a fait rire ; je suis vexé de ne pas assister à la noce. Tu sais mon goût pour les noces.

Je suis curieux de voir ce que tu auras décidé relativement à ton voyage d’Italie et si tu emmèneras la petite. Écris-moi à Athènes. Nous ne savons au juste quand nous partons de Constantinople, mais ce sera probablement d’ici à une quinzaine. Nous nous ruinons dans les villes ; tout notre voyage de Rhodes et d’Asie Mineure nous a moins coûté que douze jours passés à Smyrne, où nous n’avons pourtant rien acheté. Mais la vie européenne est exorbitante. Deux piastres, Madame ! deux piastres, (dix sols !) pour laver un