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CORRESPONDANCE

grec ! » Eh bien, est-ce qu’il n’y a pas dans tout cela de quoi rire et surtout de quoi beaucoup rêver ?

Nous avons visité le vieux sérail et les mosquées. Le sérail ne signifie pas grand’chose. Ce sont d’admirables appartements dans le plus beau point de vue du monde peut-être, mais ornés et meublés dans un goût déplorable. Toutes les vieilles rocamboles d’Europe dont on ne veut plus, on les repasse aux Turcs qui donnent là dedans avec la naïveté du barbare. À part la salle du Trône, merveilleuse, c’est le mot, tout le reste est de la petite musique.

J’ai vu les derviches hurleurs. J’y étais très préparé par tout ce que j’avais déjà vu au Caire ; aussi n’en ai-je été nullement étonné. Jeudi prochain nous y retournerons. Il se passera des choses gentilles ; on se passera dans le corps un tas d’instruments de supplice que nous avons vus accrochés aux murs. Mais je trouve que l’on ne vante pas assez les tourneurs. Rien n’est plus gracieux que de voir valser tous ces hommes avec leurs grands jupons plissés et leur figure extatique levée au ciel. Ils tournent sans s’arrêter pendant une heure environ. Un d’eux nous a affirmé que, s’il ne fallait pas tenir ses bras au-dessus de sa tête, il est capable de tourner pendant six heures de suite. Celui-là nous fait de temps à autre des visites. Nous lui donnons une bouteille d’eau-de-vie qu’il boit très bien, en sa qualité de musulman.