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DE GUSTAVE FLAUBERT.

garantir du soleil, et un cheval sur lequel on met le manger des bêtes. Enfin nos quatre chevaux pour nous. En tout dix bêtes et huit hommes (car il y a quatre muletiers qui vont à pied) ; c’est bien là l’Orient et le vrai voyage. Je jouis de tout ; je savoure le ciel, les pierres, la mer, les ruines. Nous passons des journées sans desserrer les dents et absorbés côte à côte dans nos songeries particulières. Puis, de temps à autre, la bonde éclate.

J’ai vu Tyr, Sidon, le Carmel, Saint-Jean-d’Acre, Jaffa, Ramleh. Pendant neuf jours nous avons marché à cheval au bord de la mer. Quelquefois nous traversions des bois entiers de lauriers-roses qui poussent jusqu’au bord des flots. Il y a de temps à autre des ponts bossus, jetés sur des ravins desséchés, qui font mon bonheur, surtout quand une bande de voyageurs, chameaux et Bédouins, arrive à passer dessus. Ça fait un grand tableau de verdure dans un petit cadre de pierre. Oui, la Syrie est un beau pays, aussi varié et aussi fougueux de contrastes et de couleurs que l’Égypte est calme, monotone, régulièrement impitoyable pour l’œil.


265. À LOUIS BOUILHET.
Jérusalem, 20 août 1850.

Je dirais bien comme Sassetti : « Vous ne croiriez pas, Monsieur ? eh bien, quand j’ai aperçu Jérusalem, ça m’a fait tout de même un drôle d’effet. » J’ai arrêté mon cheval que j’avais lancé en avant des autres et j’ai regardé la ville sainte, tout étonné de la voir. Ça m’a semblé très propre et