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CORRESPONDANCE

bécile. Du scheik simple nous sommes arrivés au scheik double, c’est-à-dire au dialogue. Alors, dialogues sur tout ce qui se passe dans le monde et avec de bonnes opinions encroûtées. Puis le scheik a vieilli et est devenu le vieux tremblotant, cousu d’infirmités, et parlant sans cesse de ses repas et de ses digestions. Ici, il s’est développé chez Maxime un grand talent de mimique. Il a un neveu qui est substitut, une bonne qui s’appelle Marianne, etc. Il s’appelle père Étienne. Moi il m’appelle Quarafon ; le nom de Quarafon est sublime ! Nous nous promenons en nous soutenant réciproquement et en bavachant. Il me dit cent fois par jour d’écrire à son neveu le substitut, pour lui dire de venir parce qu’il ne se sent pas bien et, comme nous sommes excédés de poulet, toutes les fois que je me plains, il me dit : « Allons, Quarafon, consolez-vous, vous aurez pour dîner un bon poulet ; j’ai dit à Marianne de vous en faire un. » Le soir, pour nous coucher, ça dure une demi-heure. Nous beuglons en geignant et en nous retournant pesamment comme des gens abimés de rhumatismes. « Al-lons-bon-soir-mon-a-mi, bonsoir ! » Il y a quelques jours je commençais à dormir quand j’ai senti un poids qui me pesait sur le dos. C’était le père Étienne qui venait coucher avec moi, parce qu’il avait peur tout seul dans son lit. Quelquefois aussi, il y a des disputes aigres où le père Étienne abuse de la supériorité de son âge et où Quarafon déclare qu’il prendra la diligence la semaine prochaine.

Je t’envoie toutes ces bêtises, chère mère, parce que c’est toi. Je sais que tout ce qui t’initie un peu