gularités ; je t’en préviens d’avance. Fais-toi à cette idée. C’est beaucoup plus mal administré que l’Égypte qui se sent un peu de l’influence de Méhémet-Ali, quoique tout aille en se détraquant et redevenant Turc de plus belle.
Nos matelots sont maigris de fatigue ; notre raïs est jaune d’impatience. Joseph désire être arrivé pour envoyer de l’argent à sa femme et Sassetti crève d’envie d’être de retour au Caire, sans savoir pourquoi et par esprit d’imitation. Quant à Maxime et moi, nous ne nous sommes jamais ennuyés à bord, quoique nous n’ayons plus rien à faire ni à voir. Nous avons des livres et nous ne lisons pas. Nous n’écrivons rien non plus. Nous passons à peu près tout notre temps à faire les scheiks, c’est-à-dire les vieux. Le scheik est le vieux monsieur inepte, rentier, considéré, très établi, hors d’âge et nous faisant des questions sur notre voyage, dans le goût de celles-ci :
— Et dans les villes où vous passiez, y a-t-il un peu de société ? Aviez-vous quelque cercle où on lise les journaux ?
— Le mouvement des chemins de fer se fait-il sentir un peu ? Y a-t-il quelque grande ligne ?
— Et les doctrines socialistes, Dieu merci, j’espère, n’ont pas encore pénétré dans ces parages ?
— Y a-t-il au moins du bon vin ? Avez-vous quelques crus célèbres ? etc., etc.
— Les dames sont-elles aimables ?
— Y a-t-il au moins quelques beaux cafés ? Les dames de comptoir affichent-elles un luxe somptueux ?
Tout cela d’une voix tremblée et d’un air im-