Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
DE GUSTAVE FLAUBERT.

pointu, qui faisaient la soupe à l’ombre d’une barque échouée construite en bois rouge des Indes. Quant aux pêcheurs de perles, nous n’en avons vu que les pirogues. Ils se mettent deux là dedans, un qui rame et un qui plonge, et vont au large en mer. Quand le plongeur remonte à la surface de l’eau, le sang lui sort par les oreilles, par les narines et par les yeux.

J’ai pris, le lendemain de mon arrivée, un bain de mer dans la mer Rouge. Ça été un des plaisirs les plus voluptueux de ma vie ; je me suis roulé dans les flots comme sur mille tétons liquides qui m’auraient parcouru tout le corps.

Le soir Maxime, par politesse et pour faire honneur à notre hôte, s’est donné une indigestion. Nous étions logés dans un pavillon séparé, couchés sur des divans, en vue de la mer, et servis par un jeune eunuque nègre, qui portait avec chic les plateaux de tasses de café sur son bras gauche. Le matin du jour où nous devions partir, nous avons été à deux lieues de là, au vieux Kosseir, dont il ne reste que le nom et la place. Maxime indigéré s’est aussitôt mis à ronfler sur le sable. Le cawas du consul de Gedda et son chancelier qui étaient venus avec nous, ainsi que le fils de notre hôte, se sont mis à chercher des coquilles, et je suis resté tout seul à regarder la mer. Jamais je n’oublierai cette matinée-là. J’en ai été remué comme d’une aventure. Le fond de l’eau était plus varié de couleurs, à cause de toutes ces coquilles, coquillages, madrépores, coraux, etc., que ne l’est au printemps une prairie couverte de primevères. Quant à la couleur de la surface de la mer, toutes les teintes