Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
DE GUSTAVE FLAUBERT.

chambre où il nous a reçus a pour volet une planche peinte qui couvrait quelque citoyen du temps de Sésostris. Il est venu nous rendre notre visite un matin, comme nous étions campés au pied du colosse de Memnon. Il avait un turban blanc, une chemise de Nubien blanche et un parapluie en coton blanc. Ce vieux fils de Lemnos portait en outre à sa main gauche son chibouk et un bâton en bois blanc tourné par lui-même et terminé par une pointe en fer, pour s’aider à marcher sur les rochers. Il avait les pieds nus dans ses savates et se traînait en soufflant.

Quant à emporter en France des momies, ce serait difficile ; l’exportation en est défendue maintenant. Nous aurions beaucoup d’embarras pour les passer en contrebande au Caire et pour les embarquer à Alexandrie. Ça nous demanderait trop de temps et d’argent.

À Keneh nous allons faire une pointe jusqu’à Kosseir, pour voir la mer Rouge que nous ne connaîtrions point sans cela, puisque le voyage du Sinaï n’aura pas lieu. Nous en aurions pour vingt jours de désert (au mois de juillet ce serait peut-être dur), douze jours de lazaret à Gaza, et 3, 000 francs de droit de passage au scheik de El-Akabah. Ce serait absurde. Le voyage de Kosseir, au contraire, nous demandera quatre ou cinq jours ; c’est une promenade.

Hier, avant de quitter Thèbes, nous avons pris des chevaux et nous avons été faire un grand tour dans la campagne, derrière Karnac et Louqsor. Au milieu de la journée nous nous sommes arrêtés dans un village et nous sommes entrés dans un jardin. Les arbres, orangers, citronniers palmiers,