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CORRESPONDANCE

gné de tout notre voyage. Avec des détours plus ou moins longs, nous n’allons plus faire maintenant que nous rapprocher insensiblement. Sais-tu que nous sommes à près de 1,400 lieues de distance ? Comme ça doit te paraître loin, pauvre vieille, et comme cette carte d’Égypte te semble longue ! n’est-ce pas ? Quant à moi, ce n’est que par une réflexion assez longue que je peux calculer la distance qui nous sépare ; il me semble toujours que tu es près de moi, que nous ne sommes pas loin et que, si je voulais, je ne serais pas longtemps à te voir. Voilà près de deux mois, sept semaines, que je n’ai eu de tes nouvelles. J’ai encore une quinzaine à attendre avant d’être revenu à la première cataracte, où j’espère en trouver. Et encore c’est bien chanceux ! Va, pauvre vieille, ceux qui restent ne sont pas les seuls à avoir de l’inquiétude. J’éprouve parfois des appétits de te voir qui me saisissent tout à coup comme des crampes de tendresse ; puis le voyage, la distraction de la minute présente fait passer cela. Mais c’est le soir, avant de m’endormir, que je te donne une bonne pensée et tous les matins, quand je me réveille, tu es le premier objet qui me vienne à l’esprit. Mais dis, je suis bien sûr que tu ne dépenses pas à moi. Je te vois toujours appuyée sur le coude, le menton dans ta main, rêvant avec ton bon air triste. Songe donc, pauvre mère, que 5 est le tiers de 15. Tu me reverras au mois de février prochain. C’est encore l’été et l’hiver à passer.

Si nous n’avions pas eu du vent défavorable, ou plutôt une absence de vent aussi complète, nous serions déjà de retour à Assouan (première