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DE GUSTAVE FLAUBERT.

verses, je les portais déjà dans ma pensée comme une nuée d’orage dans un ciel d’été.

Toujours bonne, toujours prévenante, et guettant tout ce qui peut me faire plaisir, tu m’as envoyé ton Volney. Je t’en remercie bien. Mon frère l’a. Mais ce qu’il n’a pas, c’est ce joli foulard qui était si bien enveloppé entre les deux volumes. Je m’en servirai à Paris ; tu me le verras bientôt. Tiens, veux-tu que je te dise une chose qui me pèse sur le cœur ? Tu vaux mieux que moi, il t’aurait fallu rencontrer un autre homme. Je sens toute l’infériorité de mon rôle et je sens que je te fais souffrir, quoique je voudrais pouvoir te combler de tout.

Je cherche dans ma pauvre tête et je ne trouve rien, rien, comme si mon cœur était un eunuque qui n’a pour lui que le désir et la souffrance.

L’histoire d’Emma est assez curieuse. Je connais un peu un Dulac qui était étudiant en droit, ou en médecine ; je ne me souviens plus. C’est peut-être un autre que celui-là.

Tu es [en] mesure de bien embêter Stello[1] si ça te fait plaisir.

Adieu chérie, je t’embrasse longuement sur ton pauvre cœur.

À toi.

Du Camp me parle de toi. Il a l’air de t’être bien dévoué, mais tu lui parais bien triste. Il m’écrit qu’il fait tout ce qu’il peut pour te remonter le moral. Il n’y paraît guère ! Qu’est-ce qu’il te dit ?


  1. Flaubert désigne ici Alfred de Vigny.