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CORRESPONDANCE

plus l’idée de tout ça, nous autres. On lit même ces bouquins-là une fois ; puis tout est dit. On devrait les savoir par cœur. Il y a une chose que tu ferais bien, dans laquelle tu réussirais, j’en suis sûr — après ton drame, il faudra t’en occuper — c’est d’écrire un grand roman tout simple mêlé d’ironie et de sentiment, c’est-à-dire vrai. En laissant aller ton esprit de lui-même, tu réussiras à exécuter une bonne œuvre. Une fois le plan bien mûri, il faut s’y mettre et

........ d’une aile forte
Laisser la plume aller où la verve l’emporte.


comme dit ce vieux Régnier. Nous recauserons de tout ça. Qu’il me semble qu’il y a longtemps que je n’ai vu ton pauvre petit boudoir où tu travailles ! Je me figure t’y voir, chère amie, triste, rêveuse, penchée sur ton guéridon et songeant à moi. Comme les étincelles du feu font songer ! n’est-ce pas ? Je voudrais savoir le costume de chambre que tu as l’hiver chez toi. Si tu me laissais faire, c’est moi qui t’arrangerais une belle robe de chambre !

Les ceintures sont arrivées. Veux-tu que je dise à Du Camp de t’en envoyer une, ou m’attendre pour que je te la donne moi-même ? Adieu, mon pauvre amour, mille doux baisers. Quel bonheur ce serait maintenant d’être seuls ! seuls dans une bonne chambre bien close, rideaux tirés, porte fermée au verrou, d’avoir un feu flambant, et d’être dans le lit, côte à côte, l’un contre l’autre, de nous étreindre, de nous sentir, les cuisses entrelacées, les bras passés autour de