Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
CORRESPONDANCE

n’en suis-je, me disais-je ! Va, je t’ai donné là une bonne pensée de désirs. C’est comme ce matin en m’éveillant : je suis resté une grande heure dans mon lit à rêver à toi. Je me rappelais surtout un geste charmant de ta narine quand, couchée près de moi, tu te retournes sur le côté pour me voir ; tes bonnes papillotes s’épandent sur l’oreiller, tes membres sont dans les miens. Tiens, Louise, dans ce moment j’ai la tendresse au cœur, le feu dans le corps !… À quoi ça me sert-il bon Dieu ! À rien qu’à souffrir. Je souffre de toi, de ta douleur. Si tu veux m’être agréable, me rendre heureux, calme ton chagrin ; c’est là tout ce que je te demande.

Je ne t’écrirai plus que quand tu auras décidé positivement où il faut que je t’envoie mes lettres. Pèse bien tout et conclus ensuite.

Je te remercie des renseignements que tu as demandés pour moi. Le Brache, que je connais, est un jeune homme avec lequel j’ai été au collège de Rouen. On l’a mis à la porte pour une affaire assez sale, dont il était totalement innocent. Quant à Mme Foucaud, c’est bien celle-là que j’ai connue. Ton cousin est-il un homme assez sûr pour qu’on puisse lui confier une lettre avec certitude qu’elle sera remise ? car j’ai envie d’écrire à Mme Foucaud. C’est une vieille connaissance ; n’en sois pas jalouse. Tu liras la lettre si tu veux, à condition que tu ne la déchireras pas. Je m’en rapporterai à ta parole. Si je te regardais comme une femme commune, je ne te dirais pas tout cela. Mais ce qui te déplaît peut-être, c’est justement que je [te] traite comme un homme et non comme une femme. Tâche un peu d’employer quelque