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DE GUSTAVE FLAUBERT.

tu voudras, mon cœur me dit le contraire. Je serais un an sans te voir ni t’écrire que mon sentiment n’en baisserait pas d’un degré. Quand une chose une fois est entrée en moi, elle a du mal à en sortir.

J’irai, dans huit jours, voir le secrétaire de la commission pour le buste de mon père, et je lui dirai de hâter un peu les choses. Les vacances vont finir, on est de retour de la campagne. Nous allons tâcher de faire expédier la décision. Ça me procurera, comme je te l’ai dit, le moyen de passer à Paris au moins une douzaine de jours de suite, peut-être quinze, le plus que je pourrai enfin. Mais quand sera-ce ? Je l’ignore. Voilà bientôt dix mois que ça traîne ; ces Messieurs ne sont pas vifs.

Plains-moi : il va falloir peut-être que j’aille un de ces jours, demain ou après-demain sans doute, à Dieppe, promener mes Champenois. Comme ils font là-bas nos affaires (le mari régit nos biens) gratis, ma mère trouve qu’il faut leur faire le plus de politesses possible. Elle reste toujours à garder la nourrice et l’enfant, de sorte que c’est moi qui ai cette corvée. Le soir, c’est à peine si j’ai trois ou quatre heures de libres. Nous avons eu ces jours-ci bien de l’inquiétude pour cet enfant. Mais, Dieu merci, elle est passée. Ce sera pour plus tard à recommencer.

J’ai été hier au chemin de fer réclamer mon fauteuil. Ça me serre le cœur de voir ces wagons qui partent sans que je monte dedans. J’ai suivi de l’œil les rails qui filent vers Paris. Dans le débarcadère on roulait des voitures, on faisait les apprêts pour le départ de quatre heures. Que