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XXIV
SOUVENIRS INTIMES

époques différentes, avant d’être terminée définitivement.

En 1849, Gustave Flaubert fit un second voyage avec Maxime Du Camp. Cette fois c’était vers l’Orient que se dirigeaient les deux amis, l’Orient depuis si longtemps rêvé !

II

Mes réminiscences personnelles datent de son retour. Il revint le soir ; j’étais couchée ; on m’éveilla. Il me prit dans mon petit lit, m’enleva brusquement et me trouva drôle avec ma longue robe de nuit ; je me rappelle qu’elle flottait plus bas que mes pieds. Il se mit à rire très fort, puis m’imprima sur les joues de gros baisers qui me firent crier, je sentis le froid de sa moustache humide de rosée et je fus très satisfaite quand on me recoucha. J’avais alors cinq ans, nous étions chez les parents de Nogent. Trois mois plus tard, en Angleterre, je le revois encore distinctement. C’était le moment de la première Exposition de Londres ; on m’y conduisit ; la foule me faisant peur, mon oncle m’assit sur son épaule ; je traversai les galeries dominant tout le monde et fus cette fois bien heureuse d’être dans ses bras. On me choisit une gouvernante, nous revînmes à Croisset.

Mon oncle voulut de suite commencer mon éducation. La gouvernante ne devait m’enseigner que l’anglais ; ma grand’mère m’avait appris à lire, à écrire ; lui se réservait l’histoire et la géographie. Il trouvait inutile d’étudier la grammaire, prétendant que l’orthographe s’apprenait en lisant et qu’il était mauvais de charger d’abstractions la mémoire d’un enfant, qu’on commençait par où l’on devait finir.

Puis des années toutes semblables commencèrent.