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XVII
SOUVENIRS INTIMES

communion avec la forme abstraite, le mystique redevenait homme, était bon vivant, riait d’un franc rire, débordant de verve et mettant un entrain charmant à raconter une anecdote plaisante, un souvenir personnel. Un de ses plus grands plaisirs était d’amuser ceux qui l’entouraient. Pour m’égayer quand j’étais triste ou malade, que n’eût-il pas fait ?

Il était facile de sentir l’honnêteté de ses origines. De son père, il avait reçu sa tendance à l’expérimentalisme, cette observation minutieuse des choses qui le faisait passer des temps infinis à se rendre compte du plus petit détail, et ce goût de toute connaissance qui le rendait un érudit aussi bien qu’un artiste. Sa mère lui transmettait l’impressionnabilité et cette tendresse presque féminine qui débordait souvent de son grand cœur, et mouillait parfois ses yeux à la vue d’un enfant. Ses goûts de voyage, ils me viennent, disait-il, d’un de mes ancêtres, un marin qui prit part à la conquête du Canada. Il était très fier de compter ce brave parmi les siens, cela lui semblait très « crâne », pas bourgeois, car il avait la haine du « bourgeois » et employait constamment ce terme ; mais dans sa bouche il était synonyme d’être médiocre, envieux, ne vivant que d’apparence de vertu, et insultant toute grandeur et toute beauté.

À la mort de M. Laumonier, mon grand-père lui succéda comme chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu. C’est dans cette vaste demeure que Gustave Flaubert est né[1].

  1. MAIRIE DE LA VILLE DE ROUEN.
    état civil.

    Extrait du registre des actes de naissance de l’an mil huit cent vingt-un du jeudi 13 décembre mil huit cent vingt-un, devant moi soussigné, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, faisant les fonctions d’officier public de l’état civil, par délégation de M. le Maire, ont comparu M. Achille-Cléophas