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chapitre x.

la pensée son action purifiante, surtout chez des gens ignorants. » — Il y a dans cette phrase l’explication en même temps que l’excuse de cette infériorité morale, et l’on ne peut s’empêcher de mettre en regard l’éloquente et lamentable description de La Bruyère : — « On voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés de soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible. Ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine : en effet, ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines. Ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne point manquer de ce pain qu’ils ont semé. »

Si nous passons maintenant de la conception d’ensemble indiquée par Balzac à la mise en œuvre de cette conception, autrement dit à la peinture des personnages qu’il présente pour la justifier, c’est alors peut-être que nous aurons occasion déjuger que cette peinture est volontairement poussée au noir ; non qu’ils soient le moins du monde faux ou exagérés, ce Fourchon type du paysan rusé et menteur, ce Tonsard, ivrogne, débauche et voleur ; non qu’elles soient moins vraies la Tonsard, dans son immoralité bonne enfant, et les filles Tonsard, qui s’abandonnent librement et sans frein à leurs instincts, courant les bois avec les garçons du village et s’oubliant