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la vie de campagne.

un bouleversement complet de l’ancien état de choses ? Changez le milieu, modifiez les personnages : aux paysans substituez le peuple des villes, aggloméré dans les grands centres, dans les usines et les manufactures ; en place de l’aristocratie et des propriétaires terriens, qui de plus en plus deviennent rares, le morcellement des fonds s’accentuant de jour en jour, mettez la classe bourgeoise, contre laquelle sont accumulées aujourd’hui plus d’inimitiés et plus de haines qu’il n’en était accumulé il y a cent ans contre la noblesse ; opérez cette double substitution : vous n’aurez fait que modifier les acteurs ; le problème demeurera toujours aussi insoluble, le danger aussi menaçant. Le drame enfin ne nous apparaît pas moins tragique, ni les préoccupations moins grosses de conséquences !

Mais ce n’est point là le but de notre étude. Nous n’avons pas à examiner la portée sociale de l’œuvre, ou du moins ce ne doit être qu’un souci secondaire. Il convenait de l’indiquer, puisque c’est de là que doivent découler nos observations critiques : conservons lui sa place et son importance relative au point de vue littéraire. À ce point de vue, la question se résume en ceci : en dehors de toute thèse à démontrer, la peinture que Balzac nous a laissée des paysans est-elle conforme à la vérité psychologique, se présente-t-elle à nos yeux comme un tableau correspondant à la réalité des choses ? La réponse à cette question se trouve implicitement contenue dans le début de nos observations et dans la remarque faite que le