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sien, celui-ci pouvait bien le traiter à l’égal d’un autre animal quelconque, auquel on ne doit que des sentiments de pitié mais non de justice. Les abolitionnistes s’efforçaient, de leur côté, de démontrer que les nègres étaient d’une conformation anatomique et physiologique parfaitement semblable à celle des blancs, sauf des différences insignifiantes et secondaires.

Le bruit en avait traversé l’Océan. Cette discussion intense et sans issue, arriva en Europe ou elle enfanta des partisans à l’un et l’autre groupe. Mais, fait curieux ! les savants français, tout en conservant à la discussion l’intérêt fébrile qu’on y mettait sur la terre américaine, visaient un but tout autre. Tandis que le polygénisme transatlantique, militant avec une fougue bruyante, ne voyait au bout de la lutte que le bénéfice de l’esclavage qu’il fallait maintenir à tout prix, les polygénistes français, indifférents au sort de l’esclave, avaient surtout en vue un tout autre résultat : l’indépendance de la science et son affranchissement de toute subordination aux idées religieuses. Les uns luttaient pour soustraire l’esprit humain aux entraves de la foi, les autres s’opiniâtraient à garotter ce même esprit humain dans les liens de la servitude corporelle et ils se rencontraient pourtant ! Ce fait paraît si bizarre que l’on peut supposer de notre part une interprétation arbitraire et fantaisiste. Mais on peut en faire la remarque. Que ce soit Broca, Georges Pouchet, ou d’autres polygénistes moins considérables qui aient la parole, ils cherchent toujours à insinuer que, dans la discussion du polygénisme et du monogénisme, c’est la science qui est en cause avec la religion.

Est-ce sincère ou non ? Je n’en peux rien affirmer ; mais je reconnais que c’est adroit. Les polygénistes comprirent bien que le vent était à la libre pensée, que les vieilles formules philosophiques du spiritualisme intransigeant s’en