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Tel a été pourtant le rêve fantaisiste, que l’illustre M. Renan a formulé dans ses Dialogues philosophiques où il se moque si bien et si finement de tous les principes de la philosophie moderne, jouant d’une façon adorable avec le transcendantalisme de Mallebranche !

M. de Gobineau, plaçant dans le passé ce que le spirituel et savant académicien rêve pour un avenir incertain, prend les choses beaucoup plus au sérieux. Ne voyant dans la majeure partie des blancs que des êtres contaminés, il entonne l’hymne de la désolation. « L’espèce blanche, dit-il, considérée abstractivement, a désormais disparu de la face du monde. Après avoir passé l’âge des dieux où elle était absolument pure ; l’âge des héros où les mélanges étaient modérés de force et de nombre, l’âge des noblesses où des facultés grandes encore n’étaient plus renouvelées par des sources taries, elle s’est acheminée plus ou moins promptement, suivant les lieux, vers la confusion définitive de tous ses principes, par suite de ses hymens hétérogènes[1]. »

En négligeant de rectifier l’erreur et de prouver l’inconsistance historique de cette succession de faits imaginés par le paradoxal auteur de l’Inégalité des races humaines, on doit remarquer une préoccupation visible dans toutes les idées qu’il exprime. Dans l’abolition de la noblesse par la Révolution française, il voit le dernier coup porté à ses idoles. Pour lui, noble de sang, il n’était pas de la race des manants européens : le roturier et le nègre, quoique à différents degrés, lui étaient inférieurs, tant au point de vue organique qu’au point de vue social. Mais il va plus loin, dans son étrange doctrine. Au lieu des larges espérances que les progrès acquis nous autorisent à nourrir sur l’avenir, il professe le découragement le plus sombre : il pré-

  1. De Gobineau, loco citato, tome II, p. 560.