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de leur infériorité intellectuelle ? Sans doute, en Haïti comme ailleurs, les progrès considérables que l’Éthiopien a accomlplis dans la littérature, dans les sciences philosophiques, biologiques et naturelles, ne sont pas équilibrés par les mathématiques transcendantes que l’on continue à considérer comme la plus haute manifestation de l’intelligence. Mais il faut attendre que des carrières lui soient ouvertes dans ce mode d’activité mentale avant d’émettre un jugement quelconque. Enfin il semble que c’est la marche même des choses qui en décident ainsi. « On a raison de dire que les lettres sont les sœurs aînées des sciences, dit Claude- Bernard. C’est une loi intellectuelle des peuples qui ont tous produit leurs poètes et leurs philosophes avant de former leurs savants[1]. »

La remarque de l’éminent physiologiste est on ne peut plus juste. Il y a telle nation qui a pu développer une civilisation des plus harmonieuses, qui a produit des philosophes, des poètes, des orateurs de premier ordre, sans qu’elle ait jamais fourni des hommes très compétents dans les sciences exactes. Les Romains, par exemple, si avancés dans les lettres et la philosophie, ne s’intéressaient guère aux mathématiques[2]. Il paraît que c’était une habitude parmi eux de compter sur les doigts, comme procèdent les pires calculateurs. Juvénal y fait allusion dans ces vers cités par Hœfer :

Felix nimirum qui per tot sœcula mortem
Distulit atque suos jam dextra computat annos.

Qui dira pourtant que le Romain a été d’une organisation inférieure, lui qui a tout subjugué, lui qui a dominé partout où ses bras pouvaient s’étendre ? Ne serait-ce pas

  1. Cl. Bernard, Discours de récept. à l’Acad. franç.
  2. Friedlein, Die Zalhzeichen und das elementare Rechnen der Griechen und Römer.