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tons-nous au passage où le poëte met en scène Ariadne à la couleur foncée et le dieu Bacchus, fils bien-aimé de Jupiter. La question d’épiderme est nettement posée.

Ariadne, confiante et généreuse, a sauvé Thésée du labyrinthe, en lui donnant le fil qui l’aida à en sortir, après qu’il eut vaincu le Minotaure. Elle se croit aimée et elle donne son cœur tout entier ; dans cet abandon naïf, naturel à son sexe captivant et surtout à sa race, elle donne encore, elle donne tout ! Mais l’ingrat la délaisse. Belle, attrayante, mélancolique et souffrante, pleine de cette grâce attirante que Michelet décrit si bien, elle inspire une réelle passion à Bacchus. C’est alors qu’Ovide nous la présente. Éprouvée par une première déception, elle tremble, en son cœur, qu’un nouvel abandon ne vienne briser son amour en fleur ; elle est surtout inquiète de sa peau noire et craint une rivale blanche. Elle se chagrine ; elle ne se contient pas et, se croyant seule, elle dit tout haut son inquiétude :

A, puto, præposita est fuscæ mihi candida pellex.

Mais Bacchus, qui la suivait à la sourdine, entend ces paroles et devine ses préoccupations. Il ne lui donne pas le temps d’achever, il l’enveloppe de ses bras ; de ses lèvres amoureuses il sèche ses larmes ; et sans faire attention à sa peau noire, il lui dit : « Gagnons ensemble le ciel ; partageant ma couche, tu dois porter mon nom[1] ! »

Ce petit tableau est bien frais et riant. Il en sort un parfum de générosité qui se communique à l’âme. Tout y

  1. Dixerat : audibat jamdudum verba querentis

    Liber, ut a tergo forte secutus erat,
    Occupat amplexu, lacrymasque per osçula siccat,
    Et : « Pariter cœli summa petamus ait,
    Tu mihi juncta toro, mihi juncta vocabula sumes.

    Ovide, Fastes, liv. III, v. 6-11.