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raviver le fanatisme religieux, en donnant une popularité plus grande à ces distinctions et, je dirais même à ces oppositions de couleur. Pour le moyen âge, tous les Musulmans étaient des Sarrasins ; et qui disait Sarrasin disait Maure ou noir. Par sa couleur, le Maure faisait à l’Européen la même impression que le diable. L’expression naïve de cette vérité se retrouve encore dans le Roman de la Rose :

Par icelui Dieu qui ne ment
Si vous jamès parlés à li
Vous aurez le vis (visage) pali
Voires certes plus noir que More.

D’ailleurs, le mot more est resté synonyme de « noir » dans la majeure partie des langues européennes. Témoin : l’allemand Mohr ; l’espagnol moreno ; l’italien, moretto, signifiant tous « noir » « nègre » ou « négrillon ». Plus la foi catholique devint fervente et agissante, durant les différentes croisades, plus les peuples chrétiens de race blanche s’habituèrent à ne voir dans l’homme noir qu’un être réprouvé, un fils de Satan, dont le seul contact, le seul aspect lui causait la plus profonde horreur. De telles impressions jettent dans les âmes des traces durables, fort difficiles à s’effacer. Longtemps après qu’il n’y eut plus de Musulmans à combattre, la terre sainte, ne pouvant plus être disputée aux Turcs qui avaient étendu leur domination jusqu’en Europe et placé leur capitale à Constantinople, sur la ruine définitive de la dynastie des Paléologues, l’on conservait encore la légende du noir Sarrasin. Il faisait toujours peur aux hommes du peuple ou aux clercs superstitieux, sous sa peau d’ébène. L’Occident avait renoncé à la lutte contre l’Orient ; mais le mythe ne fut point oublié. Jusqu’en plein XIXe siècle, la légende populaire, qui fait représenter Dieu par le blanc et le diable par le nègre, continue encore à