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L’illustre Bolivar, libérateur et fondateur de cinq républiques de l’Amérique du Sud, avait failli dans la grande œuvre entreprise en 1811, à la suite de Miranda, dans le dessein de secouer la domination de l’Espagne et de rendre indépendantes d’immenses contrées dont s’enorgueillissait la couronne du roi catholique. Il se rendit, dénué de toutes ressources, à la Jamaïque où il implora en vain le secours de l’Angleterre, représentée par le gouverneur de l’île. Désespéré, à bout de moyens, il résolut de se diriger en Haïti et de faire appel à la générosité de la République noire, afin d’en tirer les secours nécessaires pour reprendre l’œuvre de libération qu’il avait tentée avec une vigueur remarquable, mais qui avait finalement périclité entre ses mains. Jamais l’heure n’avait été plus solennelle pour un homme, et cet homme représentait la destinée de toute l’Amérique du Sud ! Pouvait-il s’attendre à un succès ? Lorsque l’Anglais, qui avait tous les intérêts à voir ruiner la puissance coloniale de l’Espagne, s’était montré indifférent, pouvait-il compter qu’une nation naissante, faible, au territoire microscopique, veillant encore avec inquiétude sur son indépendance insuffisamment reconnue, se risquerait dans une aventure aussi périlleuse que celle qu’il allait tenter ? Il vint peut-être avec le doute dans l’esprit : mais Pétion qui gouvernait la partie occidentale d’Haïti, l’accueillit avec une parfaite bienveillance.

En prenant des précautions qu’un sentiment de légitime prudence devait lui dicter, à ce moment délicat de notre existence nationale, le gouvernement de Port-au-Prince mit à la disposition du héros de Boyaca et de Carabobo tous les éléments qui lui faisaient besoin. Et Bolivar manquait de tout ! Hommes, armes et argent lui furent généreusement donnés. Pétion ne voulant pas agir ostensiblement, de crainte de se compromettre avec le gouvernement espagnol, il fut convenu que les hommes s’embarqueraient