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scientifiques qui semblent être si étrangères à sa sphère d’activité.

Toutes les fois qu’on se trouve donc en présence d’Européens discutant la question scientifique de l’égalité ou de l’inégalité des races humaines, on a en face des avocats défendant une cause à laquelle ils sont directement intéressés. Encore bien qu’ils aient l’air de se placer sous l’autorité de la science et de ne plaider qu’en faveur de la pure vérité ; alors même qu’ils se passionnent pour leur thèse jusqu’à faire abstraction du mobile positif qui les y maintient, leurs argumentations se ressentent toujours de l’influence que subit l’avocat plaidant pro domo sua. Argumentant dans un sens contraire, peut-être ne fais-je rien autre chose que céder à la même impulsion. La réciproque est vraie, pourrait-on dire ; mais cela ne détruit point le fait à démontrer. Or, il est constant que l’une des causes d’erreur qui agit le plus puissamment sur l’intelligence des philosophes et des anthropologistes, soutenant la thèse de l’inégalité des races, c’est l’influence ambiante qu’exercent sur elle les aspirations envahissantes et usurpatrices de la politique européenne, aspirations dont l’esprit de domination et la foi orgueilleuse en la supériorité de l’homme de type caucasien sont la source principale.

La plupart de ceux qui proclament doctoralement que les races humaines sont inégales, — que les Noirs, par exemple, ne parviendront jamais à réaliser la civilisation la plus élémentaire, à moins qu’ils ne soient courbés sous la férule du Blanc, — arrondissent le plus souvent leurs phrases aux périodes sonores, en pensant à une colonie qui leur est échappée ou à une autre qui ne leur reste qu’en réclamant audacieusement l’égalité de conditions politiques entre noirs et blancs. On ne renonce pas facilement à l’antique exploitation de l’homme par l’homme : tel est pourtant le principal mobile de toutes les colonisa-