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clave une ponctualité qui obligeait ses maîtres à tenir compte de ses efforts, il s’exerçait, par la gymnastique de la course et de la lutte, à assouplir ses membres, à raffermir son tempérament. Ce fut si bien conduit qu’il parvint enfin à se transformer complètement. Au lieu de l’enfant rabougri et souffreteux, il devint le jeune homme le plus dispos et ensuite l’homme le mieux fait pour résister à toutes les fatigues corporelles, aux exercices les plus rudes.

Non content de cette force physique qui lui était nécessaire au premier chef, dans le rôle qu’il eût à remplir en faveur de sa race, rôle qu’il a dû avoir constamment en vue, comme le prouve sa longue, patiente et savante préparation à s’en bien acquitter, il voulut encore s’éclairer. Son génie lui fit deviner que sans les lumières de l’esprit, la meilleure volonté ne suffit pas pour conduire à bonne fin une œuvre délicate et importante. Âgé de plus de vingt ans, il commença à apprendre les premières lettres de l’alphabet ! Pour un autre, le succès serait impossible, tant difficile était l’entreprise ; mais pour lui, ce fut un jeu. Enseigné par un vieux noir du nom de Baptiste, il fit des progrès si hâtifs qu’il acquit, en peu de temps, toutes les connaissances de son maître beaucoup plus dévoué que savant. Mais il ne s’arrêta pas là. Tous les ouvrages qu’il rencontrait lui étaient une bonne aubaine dont il profitait. Il travaillait sans méthode, sans principe général, il est vrai ; mais les moindres notions devenaient une semence qui germait dans son intelligence et y fructifiait. « Ses livres préférés, dit Wendell Phillips, étaient Épictète, Raynal, les Mémoires militaires, Plutarque. Il avait appris à connaître dans les bois les vertus de certaines plantes et était devenu médecin de campagne[1]. »

  1. Wendell Phillips, Discours sur Toussaint-Louverture, trad. du Dr Betancès.