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résistance, dans le cas possible d’une nouvelle invasion française ?

Néanmoins, avant Christophe, il faudrait nommer Dessalines, complètement illétré, il est vrai, mais doué d’une énergie, d’un talent militaire dont aucun de ses antagonistes, aucun de ses adversaires les plus décidés n’a contesté le mérite. Cet homme à qui fut confiée la tâche aussi difficile que glorieuse de diriger souverainement le mouvement révolutionnaire dont est sorti l’indépendance haïtienne, a conduit son œuvre avec un tact merveilleux, sans jamais se montrer au-dessous de la confiance des siens. Tout, en lui, répondait aux nécessités de la situation. Là ou la plupart auraient molli et donné l’exemple d’une sentimentalité positivement déplacée, avec un ennemi qui ne voyait pas des hommes comme lui dans les légions africaines, il resta ferme et inflexible, rendant outrage pour outrage, procédé pour procédé ! Que d’autres y voient de la férocité, considérant pour rien les crimes atroces commis par ses adversaires et qui transformaient les siens en simples représailles, ce sera faire preuve d’une partialité qui fausse la voix de l’histoire et voile sa majesté. Pour nous, fils de ceux qui ont souffert les humiliations et le martyre de l’esclavage, nous ne pouvons y voir que la première manifestation du sentiment de l’égalité des races, sentiment dont Dessalines est resté la personnification symbolique en Haïti.

Il faut bien honorer la mémoire de cet homme de fer qui unissait à une bravoure sans égale le tempérament du justicier et l’héroïsme du libérateur. Dans le culte patriotique des Haïtiens, culte que toutes les nations doivent aux grands hommes qui leur ont procuré une gloire ou un bienfait inappréciable, son nom doit briller au-dessus de tous ses compagnons de gloire, car son rôle historique a été démesurément plus grand, puisqu’il fut au premier