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français en travail de rénovation sociale. Elles en étaient incomparablement dignes, dans leur héroïque valeur comme dans leur stoïque constance. Mais que doit-on penser de ces hommes qui, privés aussi de tout, même des armes de combat, n’ayant ni arsenal, ni magasin, ni ambulance, faisant des trentaines de kilomètres par jour, sans ration, le plus souvent déguenillés, disputant aux ronces les lambeaux de leur chair, trouvèrent pourtant en leurs âmes la force de persévérer dans leur noble entreprise, de résister aux meilleures troupes de l’Europe et de les chasser enfin du sol haïtien lavé pour jamais de la souillure de l’esclavage ! En considérant le côté moral de leur conduite, si il me semble que devant l’histoire et la philosophie, ces Africains ont grandi au-dessus de tout éloge. Aucun hommage ne peut égaler leur magnanimité.

Dès leur apparition sur le théâtre de l’histoire, les Noirs avaient donc fait preuve d’une évolution admirable. Cette évolution, qui s’est d’abord manifestée par leur bravoure sur les champs de bataille et leur constance dans la lutte, devait continuer sa marche ascendante jusqu’à nos jours, produisant des effets de plus en plus remarquables.

Christophe pourrait être nommé à côté de Capoix, comme courage et aptitude militaire, et il lui a été de beaucoup supérieur par son intelligence et son esprit d’organisation. Cet homme, a peine sorti de l’esclavage, a développé un génie d’administration qui étonne encore ses congénères mêmes. Conception vive, volonté inébranlable, il réunissait tout ce qu’il faut pour le commandement. Il a laissé les traces de son règne mémorable dans les ruines grandioses de ses palais et surtout de cette forteresse de Sans-souci, jetée comme un nid d’aigle sur un des pics les plus élèves des montagnes d’Haïti, dominant plus de trente kilomètres à la ronde ! Pouvait-on imaginer un meilleur centre de