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Rochambeau et sa garde d’honneur qui considéraient cette belle attaque. Un roulement se fait entendre, le feu de Verdières se tait, un officier sort des murs du Cap, s’avance au galop jusqu’au front des indigènes surpris, et dit en saluant : « Le capitaine-général Rochambeau et l’armée française envoient leur admiration à l’officier général qui vient de se couvrir de tant de gloire. » L’heureux cavalier chargé de ce magnifique message, tourne bride, calme son cheval, rentre au pas, et l’assaut recommence… Rochambeau, malgré sa férocité était un homme de grand courage. Le lendemain, un écuyer amena au quartier-général des indigènes un cheval richement caparaçonné que le capitaine-général offrait en signe d’admiration à l’Achille nègre « pour remplacer celui que l’armée française regrettait de lui avoir tué[1]. »

La preuve de l’égalité des races pourra-t-elle jamais être mieux faite, ni plus éloquemment démontrée que dans cet hommage solennel rendu par l’armée française à la valeur guerrière des noirs haïtiens ? Cependant, tout ce déploiement d’habileté militaire dans les choses de la guerre, soutenu par la plus émouvante bravoure, n’est absolument rien en comparaison de la forte dose de moralité qu’il fallait à ces hommes pour continuer cette lutte acharnée, d’où devait sortir pour eux la plus glorieuse des conquêtes, celle de la liberté et d’une patrie ! On a souvent fait l’éloge des armées révolutionnaires de la France de 1793, lesquelles soutinrent les plus grands chocs et obtinrent les plus brillantes victoires dont puisse, s’enorgueillir une nation, privées de tout, n’ayant parfois ni chaussures ni manteaux. Sans doute, il faut rendre un tribut d’admiration à ces braves légions tirées du peuple

  1. Victor Schœlcher, cité par Emm. Edouard, dans « Le Panthéon haïtien. »