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core que l’homme, le domine et, tenant en éveil ses appétits, endort ses plus nobles facultés ; c’est là ce qui a lieu sous les feux des tropiques[1]. »

Par conséquent, c’est lorsqu’ils se trouvent dans un milieu, sinon aussi favorable que celui de l’Europe, mais exerçant une influence beaucoup moins nuisible sur leurs facultés supérieures, que les Noirs doivent être étudiés, si l’on tient à se faire une juste idée de leurs aptitudes. Aussi les choisirai-je tels qu’ils se sont montrés dans l’île d’Haïti devenue, depuis environ quatre-vingts ans, le plus beau champ d’observation qui ait été donné pour étudier cette fameuse question de l’égalité des races humaines.

Après la découverte de l’Amérique par l’immortel Colomb, les Espagnols avides de l’or qu’ils rencontraient en abondance dans les riches filons de la terre antilléenne, n’épargnèrent aucune cruauté pour forcer les indigènes à leur extraire le prestigieux métal. C’était au prix des travaux les plus abrutissants qu’il fallait y parvenir. Les Caraïbes, comme tous les peuples de la race américaine, étaient certainement des hommes énergiques ; mais ils furent impuissants à lutter contre la force que la civilisation avait mise entre les mains de leurs oppresseurs. Malgré mille tentatives de secouer leur joug, ils furent obligés de se soumettre, terrassés par les armes européennes. C’étaient des gens capables de résister contre un choc, mais incapables de supporter longtemps le régime d’épuisement qu’on leur imposait. Surmenés, harassés, rompus dans une corvée sans trêve, plongés dans les mines, faisant à eux seuls l’office et des machines et des bêtes de somme, ces pauvres êtres furent bien vite décimés. Naturellement anémiques, cet excès de travail usait en peu de temps leurs corps, après avoir brisé le ressort de leurs âmes.

  1. Hollard, loco citato, p. 164.