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anormale ? Les choses étant ainsi interprétées, que les loups-garous aient été des maniaques ou non, leurs cas ne présenteraient pas moins les formes aberrantes de l’anthropophagie de l’âge de la pierre. La cause de l’horreur et de la crainte que leur nom seul inspirait, c’est que, suivant la tradition qu’en a conservée la croyance populaire, ils enlevaient les enfants et les dévoraient, comme de vrais loups.

Il est certain que, jusqu’au XVe siècle, les tribunaux continuaient à condamner au feu et on brûlait des gens accusés de cette sorcellerie sanglante. Une réunion de théologiens consultés sur le cas, pendant le règne de Sigismond, empereur d’Allemagne, roi de Hongrie et de Bohême, affirma la réalité des loups-garous.

Ce qui cause l’incrédulité de la plupart des historiens quand il s’agit de se prononcer sur l’existence des loups-garous, tels que la légende populaire les dépeint, c’est-à-dire comme de vrais anthropophages, c’est qu’il leur répugne souverainement d’avouer que, plus de quatorze cents ans après la fondation de la religion chrétienne et près de mille ans après qu’elle fut répandue dans les principaux pays de l’Europe, il pouvait y avoir, parmi leurs ancêtres, des hommes capables de porter à leur bouche un morceau de chair humaine, sans éprouver cette sainte horreur que nous inspire le sacrilège. Je comprends parfaitement la délicatesse de cette incrédulité. Mais les faits, si déplaisants qu’ils soient, ne perdent jamais leur droit a l’observation ; et quelque contrariété que nous ayons à les considérer, on est forcé d’y recourir toutes les fois qu’il faut se faire une conviction sérieuse dans une branche quelconque de la science. Rien n’empêchera donc de croire à la permanence de mœurs anthropophages en Europe, jusqu’au déclin du moyen âge, si on peut se convaincre que vers la fin du XIIe siècle, des hommes d’un rang infi-