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n’est pas sorti tout achevé des mains du créateur. « L’histoire, dit M. Clavel, montre l’homme primitif de tous les temps et de tous les lieux, soit qu’il appartienne a la sauvagerie passée, soit qu’il appartienne à la sauvagerie présente, livré a un égoïsme dominateur, tandis que l’altruisme grandit nécessairement avec le progrès social. Mieux on connaît les mœurs des Européens de l’âge de pierre, et plus on les trouve conformes aux mœurs de certains Polynésiens ou Australiens actuels. Partout, dans l’humanité, il paraît avoir existé une période d’anthropophagie, suivie d’une période d’esclavage, suivie elle-même d’une période de servage[1]. »

Ces vérités sont bonnes à méditer pour donner à l’intelligence toute l’ampleur qu’elle doit avoir dans l’étude de l’évolution sociale. Mais pour qu’elles produisent tous leurs fruits, il faut les répandre dans toute leur extension ; il ne faut pas les concentrer sur un seul point, ni les envisager sous une seule face, dans le but de s’en servir pour le besoin d’un système ou d’une doctrine. Voyons donc quelle part l’anthropophagie a eue dans l’histoire de l’humanité et surtout parmi les nations de la race caucasique.

« Pour l’Européen primitif, comme pour beaucoup de sauvages de nos jours, dit Lyell, manger et ne pas être mangé fut longtemps la principale affaire[2]. » Mais aujourd’hui qu’une vingtaine de siècles de civilisation ont complètement transformé le caractère et les appétits de l’Européen, sa répugnance est au plus haut point excitée, rien qu’à entendre parler d’un tel fait si repoussant et si abominable. Quand on constate ces sentiments de répulsion ne semblerait-il pas que les blancs n’ont jamais eu les penchants qu’ils condamnent si légitimement ? Ne croi-

  1. Clavel, La morale positive.
  2. Lyell, Article homme dans le Dict. de médecine de Littré et Charles Robin.