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à n’importe quelle valeur, selon le bon plaisir du propriétaire, ils étaient devenus des immeubles par destination ; l’on ne pouvait les déplacer de la terre à laquelle ils étaient attachés pour les transporter ou les vendre ailleurs. Sans doute était-ce une amélioration à leur sort ; mais ils étaient encore souverainement misérables, abreuvés de toutes les humiliations. Tous ceux qui ont quelques notions de l’histoire européenne savent combien exorbitants étaient les droits du seigneur sur la gent mainmortable, taillable et corvéable à merci.

Ce n’est que la Révolution de 1789 qui est venue mettre fin à cet état de choses écœurant. En feuilletant les compilations savantes de M. Taine sur « l’ancien et le nouveau régime », on peut voir jusqu’à quel point le peuple français contenait de gens abrutis, misérables et affamés, à côté de toute cette noblesse flamboyante, aimable et délicate qui représentait la France aux yeux de l’étranger et la montrait au faîte de la plus belle et de la plus brillante civilisation !

Qu’on ne reproche donc pas à la race éthiopienne son existence dans la servitude, comme si un tel fait pouvait jamais constituer la preuve de son infériorité ! Il est inutile de réveiller dans certains cœurs des colères endormies et de contrarier par de tristes souvenirs le mouvement de sympathique attrait que les fils des anciens esclaves éprouvent pour les fils des anciens maîtres ; mais faut-il, au moins, que ceux-ci ne s’autorisent point de ces souvenirs, interprétés à leur façon, pour se prétendre supérieurs à ceux-là !

« Les détails de la traite, n’appartenant pas à l’histoire de l’humanité, dit Bory de Saint-Vincent, nous aurons garde d’en attrister nos pages, mais que les oppresseurs se souviennent que la pesanteur du joug n’a point écrasé les Africains martyrisés dans Haïti ; ils se sont redressés, ils se sont fait une patrie, ils y ont prouvé que pour être