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passionnant quelque peu pour le métier des armes.

Sous le gouvernement de Gffrard, où l’on était souvent soldat et employé, à la fois, il fut remarqué par sa bonne tenue et placé à la douane de Port-au-Prince, sans cesser son service militaire. Mais à mesure que son âge augmentait, s’augmentait aussi en lui la soif ardente du savoir. Tandis que beaucoup d’autres, à sa place, Européens ou Africains, se seraient contentés de cette demi-éducation avec laquelle on s’acquitte rondement de ses devoirs d’homme du monde, ce noir affamé de lumière se mit à travailler, à piocher, vivant comme un philosophe, méprisant tous les plaisirs faciles de la jeunesse, pour ne s’occuper que de compléter ses connaissances et combler les lacunes de son esprit. C’est ainsi qu’il est parvenu à se frayer le chemin, en surmontant tous les obstacles, et à percer enfin comme une des intelligences les plus cultivées du pays !

J’ai connu M. Légitime en 1872. J e l’ai revu, en 1873, déjà bien changé ; mais quand je l’ai rencontré en 1876, c’était encore un autre homme. Son horizon intellectuel s’ouvrait sans cesse, dans une progression continuelle. Impossible de s’imaginer ce labeur quotidien, assidu, conduit de front avec tous les devoirs d’une famille à entretenir ! Aussi a-t-il fini par maîtriser toutes les difficultés tant de la langue que des notions abstraites de toutes les études qu’il a eu le courage d’embrasser. Aujourd’hui, il fait preuve d’un style élégant et châtié, avec un fond de connaissances solides et variées.

M. Légitime avait déjà publié plusieurs opuscules d’un intérêt restreint ou général ; mais c’est en écrivant, en 1878, sa brochure l’Armée haïtienne, sa nécessité, son rôle, qu’il a pris place parmi nos meilleurs écrivains, tout en montrant une largeur de conception dont n’approche aucun, de ceux qui, avant lui, avaient abordé le même sujet,