Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nique qui y préside soit dégagée de tout obstacle extérieur ; on ne conçoit pas davantage une évolution sociale sans la liberté. Évoluer, c’est se différencier ; c’est passer d’un état inférieur à un autre plus élevé, par l’action d’une force interne, inhérente à la nature de tout être animé. Dans l’homme qui évolue socialement, cette force interne n’est autre chose que la volonté.

Comment cette volonté persévérante et autonome pourrait-elle jamais se concilier avec la compression systématique qui brise et annule toute activité morale ?… Haïti est « un champ d’expérimentation sociologique » : peut-être vaudrait-il mieux dire observation ! Car en sociologie, les choses ne se passent pas comme dans les sciences naturelles et biologiques, ou l’expérimentateur est un autre que l’expérimenté et opère sur des êtres inférieurs. L’erreur sur les termes, déterminant l’erreur sur les méthodes, est parfois de la plus malheureuse influence sur la logique de l’esprit. Si on veut expérimenter en politique, au lieu d’observer, on tombe immédiatement dans les aberrations phalanstériennes où le niveau égalitaire ne remplace la liberté absente que par les caprices tyranniques de l’organisateur. Qu’il soit un Fourrier ou un Bonaparte, peu importe. En un mot, la méthode biologique, transportée dans le régime politique et administratif d’une société humaine, serait destructive de toute spontanéité, de tout progrès et hautement nuisible à ce besoin d’expansion et de transformation que tout peuple jeune ressent invinciblement à certaine heure de son développement national. Je crois fermement que la race noire d’Haïti est destinée à s’améliorer, à grandir sans cesse en beauté et en intelligence. Tout effort qui tend à son relèvement est pour moi deux fois sacré, parce qu’il répond à mes convictions scientifiques, à mes aspirations politiques et patriotiques. Mais qu’on se le