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De mon cœur, tout vidé, c’est ce qui m’est resté :
Ce livre qu’au hasard vous avez feuilleté
Peut-être avec ennui, lecteur, c’est ma jeunesse.

À part Ducas-Hippolyte et Emmanuel Édouard, on compte en Haïti toute une pléiade de Jeunes poètes dont le front noir est tout aussi gracieusement caressé par la muse que le front blanc du chantre caucasien. Mais ils se croient si peu des Victor Hugo que, le plus souvent, ils sont incapables de surmonter la timidité que l’on éprouve à affronter la rude épreuve de la publicité. La plupart ont pourtant un talent réel et on ne s’aventure aucunement en affirmant que, s’ils avaient le courage d’oser, le plus grand succès couronnerait parfois leurs essais.

Citons, entre autres, M. Tertulien Guilbaud : c’est un esprit distingué, une organisation d’élite.

Ce jeune noir dont le goût littéraire s’est développé dans la meilleure proportion, réunit à une grande pureté de diction des pensées délicates, une expression à la fois claire, précise et gracieuse. Aussi son style est-il un vrai modèle. Ces qualités sont tellement saillantes dans tout ce qu’écrit M. Guilbaud, que tous ses émules, anciens condisciples ou amis de jeunesse, ont toujours fait de lui leur Aristarque écouté.

Jusqu’ici, notre sympathique compatriote ne connaît point l’Europe[1]. Il a fait toutes ses études en Haïti, mais il les a faites complètement, consciencieusement. Un trait distinctif en lui, c’est le besoin de perfection qui ne le laisse jamais tranquille. Il s’en occupe à ce point qu’il travaille constamment, étudiant les maîtres de la langue dans leurs procédés les plus intimes, s’ingéniant toujours à sur-

  1. M. Guilbaud est arrivé à Paris ces jours-ci. Cet ouvrage était déjà sous presse et nous ne pouvons que nous féliciter ici de voir notre intéressant compatriote au sein de la grande cité, centre des sciences et des arts.