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lontiers. L’éducation rationnelle, entraînant une plus grande intelligence du dessin et de la couleur, ainsi que de l’ordonnance des parties que présente leur agencement, aiguise, affine évidemment le sens du beau dont la première manifestation est absolument instinctive ; mais elle ne change rien dans l’économie générale de notre organisation.

«  Demandez à un crapaud, ce que c’est que la beauté, le τό χαλόν ? Il vous répondra, dit Voltaire, que c’est sa crapaude avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. Interrogez un Nègre de Guinée, le beau est pour lui une peau noire et huileuse, des yeux enfoncés, un nez épaté. Interrogez le diable, il vous dira que le beau est une paire de cornes, quatre griffes et une queue. Consultez enfin les philosophes, ils vous répondront par du galimatias. » Voltaire, le grand Voltaire était vraiment adorable quand il prenait ce ton railleur avec lequel il démolissait tout, sans s’inquiéter du raisonnement. Il fait bon voir ici comme le patriarche de Ferney assomme en même temps nègres et crapaud, diable et philosophes, en riant au nez de ses lecteurs. Son sarcasme est charmant à force d’être spirituel, mais sa sentence n’a jamais empêché les hommes de rendre un hommage muet à tout ce qui est réellement beau.

Il s’agit donc de rechercher quels sont les éléments dont la présence, dans un être ou dans un objet quelconque, cause en nous cette impression ineffable que nous rapportons ordinairement à l’idée du beau. Depuis Platon jusqu’à Baumgarten, Hegel, Taine, Saisset, Ravaison, Herbert Spencer et foule d’autres écrivains modernes, on a constamment cherché ces éléments, en essayant de formuler une définition qui fût une traduction fidèle de la conception que nous avons de la beauté. Parmi les anciens, les