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Toutes ces théories passèrent inaperçues ou n’attirèrent que légèrement l’attention. Autre fut l’impression quand la question fut reprise vers la fin du XVIIe siècle, par Condillac et, après lui, Leibniz. La grande lutte philosophique aujourd’hui oubliée entre les sensualistes et les spiritualistes fut entraînée sur le terrain de la linguistique. L’un soutenait à peu près la théorie de l’Hermogène de Platon, l’autre répliquait en développant l’argumentation socratique, sous l’inspiration générale du spiritualisme classique. Qui a eu raison, qui a eu tort ? Leurs contemporains furent partagés et indécis : la division et l’indécision règnent encore. Cependant la théorie de Condillac était adaptée à tout un système. Il voulait trouver un terme transactionnel qui conciliât les différentes hypothèses, en les faisant aboutir à sa théorie de la sensation.

Pour lui l’homme acquiert successivement toutes ses facultés par la sensation. Celle-ci, en se transformant en idées, se traduit naturellement par la parole composée primitivement de signes naturels et, plus tard, de signes arbitraires conventionnellement admis dans le langage. Sans la parole, l’homme est impuissant à analyser ses pensées. Aussi tout l’art de penser consiste-t-il à s’approprier une langue bien faite ! D’après ce raisonnement, l’origine de la parole serait purement et simplement dans la sensation perceptive. Mais dans notre époque d’industrialisme et de positivisme, on ne comprend plus, hélas ! le charme qu’il y avait à se délecter ainsi dans les enchantements de la métaphysique.

Au commencement de ce siècle, Bonald, esprit cultivé, mais paradoxal, qui croyait pouvoir réagir contre les tendances et les convictions de son temps, déploya une rare énergie à prendre le contre-pied de tout ce qui semblait concorder avec les idées persistantes de la grande