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giques, il ne pouvait y avoir de discussions bien ardentes sur un tel sujet. Si, dans le dialogue de Platon, Hermogène considère le langage comme le produit d’une pure convention et croit que les signes en sont arbitraires, Socrate le réfute sans colère, en soutenant que la parole est une faculté naturelle qui se développe graduellement avec la pensée et que les signes dont on fait usage pour la fixer ont des rapports positifs avec la nature des choses.

Aristote, qui cherchait surtout à approfondir les notions par l’analyse, afin de parvenir à une systématisation générale de la connaissance, tout en reconnaissant dans le langage une faculté naturelle, y voyait de plus un caractère particulier à l’intelligence humaine, un produit de l’âme intellectuelle, pour nous servir de sa terminologie. Sans s’arrêter sur les abstractions, il analyse les qualités du langage et les lois de l’interprétation des signes, d’une façon insuffisante si on en compare le résultat à tout ce qui a été fait après lui, mais avec une sagacité remarquable. Cependant ce point n’a jamais soulevé de graves discussions dans les anciennes controverses philosophiques, soit parmi les péripatéticiens, soit entre les écoles opposées.

Quant à Lucrèce, qui considère Épicure à l’égal d’un dieu, il opine avec lui que les premiers hommes émirent instinctivement les sons variés du langage et furent poussés par la nécessité à donner un nom à chaque chose. L’origine du langage découlerait ainsi de la nature même de l’homme et de ses facultés innées. Il en aurait usé spontanément, comme les autres animaux émettent leurs cris ou leurs chants.

Sentit enim vim quisque suam, quoad possit abuti[1].
  1. Lucrèce, De natura rerum, Liv. V, v. 1030.