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pour se procurer le satanique plaisir de les rendre misérables. Ces pères dénaturés auraient horreur de les reconnaître pour leur progéniture ; mais que, justement révoltés de la plus insultante des oppressions, ces enfants du malheur osent s’apercevoir qu’ils sont aussi des hommes et réclamer leurs droits naturels, ils deviennent des fils révoltés dignes des supplices réservés aux parricides ; les verges déchirantes, les couperets, les roues, les potences, et les bûchers punissent leur généreuse indignation ; leurs pères blancs deviennent leurs bourreaux !  !…[1] »

Comprend-on qu’en de telles conditions le mulâtre rendu envieux, haineux et dénaturé par l’injustice du Caucasien, mais sans attachement pour l’Africain qu’il évite, arrivât jamais à s’élever aux idées les plus élémentaires de progrès et de moralité ? Il n’en pouvait être ainsi. Par ci, par là, on trouvait quelques exceptions. Quelques pères blancs consentirent sinon à reconnaître légalement leurs enfants, mais à les soigner, les élever et les affranchir du joug de l’esclavage. Les mulâtres qui ont eu de tels pères ont pu jouir du bienfait de l’instruction et développer jusqu’à un certain point leur intelligence. Mais en quel nombre les voyait-on ? Les Ogé, les Chavannes, les Julien Raymond et tant d’autres, que l’on ne peut citer comme des aigles, étaient pourtant bien loin d’être des ignorants. Ne l’ont-ils pas suffisamment prouvé par la part active qu’ils ont prise dans le vote du décret de la Constituante qui accordait aux hommes de couleur de Saint-Domingue l’égalité des droits civils et politiques ? Cependant avant que la Révolution française fut venue jeter dans leurs esprits je ne sais quelle généreuse fermentation, avec les ardentes aspirations de la liberté, on ignorait complètement leur existence.

  1. Bory de Saint-Vincent, loco citato, t. II, p. 37-38.