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Le lendemain matin elle s’informa auprès d’Yvonne.

— Madame repose encore, lui fut-il répondu.

Pierrette se sentait libre comme l’air, elle décida d’appeler le notaire au téléphone, et prit avec lui un rendez-vous d’affaires pour une heure exacte de l’après-midi. Ensuite, elle retourna vers sa chambre et se prit à réfléchir sur la conduite à tenir dans cette démarche. Elle nota les principaux points avec minutie, décida dans quelle tenue elle se présenterait, et était bien décidée à se faire renseigner d’une manière complète sur leur situation financière. Elle ne se reconnaissait plus, cette question d’argent ne l’avait jamais intéressée quand elle en avait tant et plus ; maintenant, elle voulait à tout prix être renseignée. Puis, de voir sa mère tellement démoralisée lui avait rendu toute cette clairvoyance qu’elle déployait autrefois au jeu ; s’il y a partie à gagner, je la gagnerai, se promit-elle.

Pendant le dîner elle prévint sa mère qu’elle sortirait, et promit de rentrer le plus tôt possible.

— C’est bien urgent cette sortie ? chérie, questionna Madame des Orties.

— Oui, maman, parce que j’ai promis d’y aller, sans cela j’aurais pu remettre la partie à un autre jour.

— Si tu es attendue, c’est vrai, ma Pierrette, il serait impoli de te dérober, d’autant plus que notre condition financière changée pourrait bien éloigner de nous une foule de gens qui étaient fiers de se dire nos amis.

— Ah bien ! pour ceux-là, maman, ne vous inquiétez pas, je saurai les semer.

Son esprit d’indépendance se réveillait.

Elle embrassa affectueusement sa mère, lui conseilla de se reposer jusqu’a son retour, et partit.

Elle portait son costume gris de l’année précédente, une blouse blanche, un chapeau de la même étoffe que le costume, des souliers à talons militaires. Elle avait l’air d’une petite femme d’affaires qui va régler une question pendante.