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rose de papier si lourde qu’elle accablait les autres. Pierrette la détacha. Elle contenait un bijou de montre. À sept heures les invitées commençaient à se lever pour prendre congé. Pierrette voulait que chacune rapportât un souvenir de cette réunion, elle délia le ruban qui retenait les fleurs et se mit à les distribuer ; elle ne savait pas être heureuse seule, il lui fallait partager son bonheur pour le doubler.

Elle se montra plus affectueuse que jamais, et les reconduisit en leur promettant une nouvelle réunion sous peu :

— Et celle-ci, c’est moi qui vous l’offrirai, mes amies.

Quand la dernière invitée se fut éloignée, Pierrette revint au salon et se pendit au cou de sa mère :

— J’ai une maman comme personne !

Puis resserrant son étreinte :

— Maman, que je t’aime !

C’était peut-être la première fois que Pierrette devenue jeune fille disait : « Maman, je t’aime. » En tout cas, elle ne l’avait jamais dit avec un tel accent.

Madame des Orties sentit un frisson très doux la secouer. N’en venait-elle pas quelquefois à douter du cœur de cette enfant ? Elle était en ce moment la plus heureuse des mères, elle avait toujours considéré comme des trésors, les mots et les gestes affectueux de sa fille si peu expansive.

Elles oublièrent dans une minute de suave intimité, le prétendant éconduit et le prétendant possible qui faisaient depuis quelques semaines le tourment de ces deux femmes, pour vivre l’une pour l’autre simplement.

Cette trêve ne fut pas de longue durée, le lendemain matin le courrier apportait la grande nouvelle.

C’était un clair matin de mars, la nature quelque peu éveillée de son sommeil hivernal donnait des espérances de soleil plus chaud, de beaux jours remplis de joie.