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dire qu’elle considérait toutes relations entre eux définitivement rompues.

À la réception de cette missive, Charlie passa par tous les états. De la colère au désespoir, de la rage à l’inertie. L’idée lui vint de reprendre aussitôt le chemin de Québec. Il aurait avec Pierrette une explication verbale, il saurait lui faire comprendre qu’elle brisait complètement son avenir. Quelle raison aurait-il maintenant de vivre ? Puis, à la réflexion, il se disait : Pierrette n’a pas ainsi changé sans qu’un autre amour ait pris naissance dans son cœur, saurai-je la ramener à moi ? Il laissa tomber sa colère avant de lui répondre.

Pierrette, de son côté, qui s’était sentie si satisfaite après l’expédition de cette lettre, devint inquiète. Elle était si bien emmêlée dans l’inextricable réseau des sentiments divers et contradictoires qui se disputaient son âme depuis des mois qu’elle en venait à se demander si elle n’avait pas mal agi. Sa vie devint une véritable torture. Dans l’entrainement d’une partie de plaisir elle oubliait momentanément ses ennuis, mais aussitôt qu’elle se retrouvait seule, elle se sentait angoissée comme à l’approche d’un malheur.

Quelques jours passèrent, ne recevant pas de réponse à sa lettre, elle finit par se figurer que son explication avait été parfaite.

Pendant les semaines qui suivirent, elle ne fit que de rares apparitions dans le monde. Elle passait de longues heures au salon occupée à des travaux de broderie. Puis elle se fatigua de cette vie paisible, recommença de lancer des invitations et d’en accepter.

Un matin elle reçut une courte épître.

Ma chère Pierrette,

Non, tu ne peux malgré tout m’empêcher de te nommer ainsi. Malgré ta défection, malgré le chagrin immense que tu me causes, je ne puis encore que t’aimer. As-tu donc oublié en compagnie d’un autre tous les souvenirs qui nous sont communs ? Je ne puis le