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Un succulent réveillon était servi. Les jeunes, mis en appétit par le mouvement qu’ils s’étaient donné, y firent honneur. La maman les regardait déguster les friandises et s’en amusait. Elle demanda du chant et de la musique mais ni l’un ni l’autre ne se sentaient disposés.

Pierrette habile, connaissant bien sa mère, se mit à lui parler des jeunes filles qu’elle avait rencontrées, des toilettes qu’elles portaient et de divers potins qui changèrent complètement le cours de ses idées.

Guy de Morais vient faire sa visite d’adieu, un télégramme qu’il a reçu à l’instant le rappelle sans retard à New-York. Il paraît contrarié de ne pouvoir donner suite à l’invitation qu’il avait acceptée, d’accompagner Pierrette dans la famille de l’une de ses amies, chez qui on devait tirer le gâteau des « Rois ».

Pierrette inconsciemment laisse percer le chagrin qu’elle éprouve de son départ. Est-ce simplement parce qu’elle se trouvera seule à cette soirée, et que probablement elle n’ira pas ? Non, loin de là, mais bien parce que Guy de Morais s’en va. Il lui a fait pressentir ce qu’est l’amour, et maintenant il la laisse si seule…

Dans le corridor Pierrette a tendu la main à Guy de Morais, il s’en est saisi, et l’a baisée, puis il s’est éloigné de son pas souple, de sa démarche aisée, pas plus ému que la première fois.

La jeune fille est revenue au salon ; pensive, elle s’est dirigée vers le coin rose. Sa mère qui la surveille à la dérobée s’approche ; elle a posé sa main sur la nuque de sa fille :

— Ne trouves-tu pas ton coin rose devenu vert ou noir ?

Avec l’intuition particulière au cœur des mères, elle sent souffrir son enfant.

— Maman, je ne veux pas être triste, c’est idiot et inutile. Voulez-vous que je chante pour vous ?

La réponse ayant été affirmative, elle ouvre le piano, feuillette des partitions, module à perdre haleine,