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Pierrette l’ouvrit rapidement de son coupe-papier d’ivoire.

« Bonsoir Pierrette. Joyeux Noël ! »

« Charlie. »


Merci Yvonne, il n’y a pas de réponse. Puis elle réfléchit, ne serait-ce pas le meilleur moyen de me tirer d’affaire ? Rédiger un télégramme ne demande pas un grand déploiement de littérature, il suffit de savoir être concis. Elle se mit en devoir d’étudier le lieu de provenance de celui qu’elle venait de recevoir. Les campements d’arpenteurs ont des adresses assez compliquées.

Elle se lève, se dirige vers l’appareil téléphonique, demande et obtient assez vite la communication avec la compagnie de télégraphe. Donne le numéro de sa dépêche, et dicte une réponse laconique.

« Merci du cadeau superbe. Merci des bons vœux. Te souhaite bonheur parfait. Lettre suivra. »

« Pierrette. »


Elle revient vers le secrétaire. De nouveau, elle s’efforce d’appeler les idées qui ne veulent pas germer dans son esprit rebelle. Elle trouverait facilement des mots brefs et précis : « J’ai reçu ton cadeau et t’en remercie, il est vraiment splendide. Je te sais gré de ta gentillesse, un télégramme la veille de Noël, quelle idée gentille ! » Elle se sentait disposée à lui raconter les détails de la découverte du collier. Mais elle savait bien que ce n’était pas cela qu’il attendait, il y avait entre eux plusieurs mois de silence, il espérait un véritable journal, le récit circonstancié de sa vie depuis ce temps, afin de renouer le fil interrompu de leur intimité. C’était justement ce qu’elle ne pouvait faire. Lui narrer sa vie, lui parler de Guy de Morais. Au fond, n’avait-elle pas tort de se laisser courtiser ainsi par ce jeune homme, son cœur et les circonstances étaient contre elle. Où aurait-elle trouvé la force de rompre ? Elle se laissait entraîner par le cours de la vie sans avoir la