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année ; puis le cadeau de Charlie lui revient à la mémoire, sa déception n’est pas tout à fait oubliée, mais elle se raisonne : « tout est mieux ainsi : je ne me suis pas encore expliquée avec lui. » Sait-il si je n’ai pas décidé de rompre définitivement. Le sait-elle, elle-même ? Au fond, elle sent tout l’incohérent de sa conduite. Ce qu’elle voudrait, ce serait trouver en elle assez de volonté, assez d’énergie pour avoir le courage de s’unir à Charlie malgré l’affreuse découverte qu’elle a faite. Elle ne s’est pas jusqu’à aujourd’hui senti la force de renouveler ses serments à Charlie, et elle a honte de sa conduite, et la pensée de la venue de Guy de Morais la rend plus perplexe.

Les deux mains relevées derrière la tête, elle rêve les yeux ouverts.

De nouveau, elle entend la sonnerie aigrelette de la porte d’entrée, elle entend Yvonne trottiner dans le corridor, et introduire quelqu’un au salon. Pierrette imagine une visite pour sa mère et ne bouge pas.

Yvonne se présente, et soulevant la portière, tend une carte :

— Mademoiselle, un Monsieur vous demande, je l’ai fait entrer au salon.

Pierrette lit : Guy de Morais. Elle sent tout son sang lui affluer au visage. Ne voulant pas que la bonne eût des raisons d’attribuer cette subite émotion à l’arrivée de ce jeune homme, elle ajoute en se levant précipitamment :

— Mais, je ne suis pas prête à me présenter.

— Voulez-vous que je lui dise de revenir ?

— Non, Yvonne ; mais demandez-lui de m’attendre un petit quart d’heure, et revenez m’aider.

Quand la soubrette vint la rejoindre, Pierrette avait déjà passé la brosse dans ses cheveux, mis un peu de carmin à ses joues, et dessiné l’arc de ses lèvres.

Elle sourit à Yvonne, ses yeux brillèrent comme autrefois. La bonne marmotta entre ses dents en retournant à son ouvrage : « tiens, tiens, la petite de-