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fait à vingt-cinq ans, si vous aviez été placé dans la dure alternative que vous me faites.

Je me souscris, votre fils affectionné et toujours respectueux,

Alexandre.

Laure lisait et relisait ces lettres et restait sans idée. En cet instant elle ne souffrait plus, elle se sentait comme suspendue dans le néant. Sa tête était vide de pensée. Sa mère s’approcha avec l’évidente intention de prendre connaissance de ce courrier. Ce rapprochement la ramena brusquement au sens de la vie présente et de ses difficultés.

Le père d’Alexandre ne s’était-il pas servi des mêmes paroles que sa mère : « Tu ne peux épouser Laure Lavoise. » Quelle différence y avait-il avec : « Tu ne peux épouser Alexandre Daubourge. » Il s’élevait donc entre eux un mur infranchissable. Mais quel était-il ? Et leur jeunesse et leur amour plus forts que les obstacles se sentiraient-ils la force de l’escalader, même si leurs parents réunis s’acharnaient à contrecarrer leurs plans.

Marie Lavoise jeta les yeux sur l’une des lettres. Sa main se crispa sur le papier réglé de bleu, et voulut l’arracher des mains de sa fille. Elle lâcha prise tout-à-coup, sentant l’inanité de ce mouvement. Qu’apprendrait-elle, elle ne savait pas lire.

— Que te dit-il ?

— Qui ?

— Alexandre.

Au paroxisme de l’émotion, une minute elle avait oublié que pour sa fille, une seule personne