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de la vie, et qui voit défiler devant elle toute une série d’inconnus qu’elle ne peut résoudre par une équation algébrique. Elle revoyait les religieuses, et entendait encore résonner à ses oreilles leurs recommandations : « Ne prenez jamais une résolution grave sans avoir pris conseil. Vous pourriez regretter toute votre vie une légèreté d’un moment, qui comporte parfois des suites funestes irréparables. » Elle sentait son cœur bondir dans sa poitrine, tandis qu’Alexandre, sans deviner les vraies raisons de l’émotion de la jeune fille, continuait pressant :

— Ma Laure aimée, dites que vous voulez bien.

Elle déganta sa main droite et lui tendit sa menotte toute chaude, il la pressa dans sa forte main.

— Alors, c’est oui, dit-il, nous irons ainsi tout le long de la vie, la main dans la main.

— C’est oui, affirma-t-elle dans un souffle.

Puis un sentiment de remords submergea dans l’âme de Laure, la joie de ses fiançailles. N’avait-elle pas été légère, imprudente ! Que savait-elle d’Alexandre Daubourge ? Ce que leurs relations si neuves lui avaient découvert, ce qu’il avait bien voulu lui dire.

Mais à vingt ans, quand l’avenir est plein de promesses, que l’amour chante au cœur sa chanson grisante, on ne saurait être longtemps malheureux, surtout si la raison n’a que des craintes chimériques à opposer à la valeur des faits présents.

Ils terminèrent ensemble dans le grand salon de l’Ave Maria cette journée de leurs fiançailles.