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En pénétrant dans la cuisine, elle n’y trouva que Madame Daubourge. La table avait été desservie, seule une petite nappe relevée cachait son déjeuner : un bol de lait de vache caillé, toute la crème y avait été laissée, un pain de sucre du pays était posé à côté. Laure fit honneur à ce mets délicieux, mais elle se promit bien d’être à temps pour le déjeuner le lendemain. Elle ne devait pas être une cause de perturbation dans cette maison, où le travail ne devait pas manquer. Il n’y paraissait pas parce que tout était ordonné.

Tout de suite cet après-midi, elle voulut aller travailler au champ. Son père lui fit remarquer :

— Je veux bien que tu accompagnes les autres, cela te distraira, mais tu n’as pas l’habitude, n’essaie pas de les imiter, tu dépasserais tes forces.

Laure s’amuse comme une enfant, à s’asseoir sur le timon de la charrette. Elle craint bien un peu les caresses de la longue queue du cheval, mais elle se force à dompter cette peur. Elle a mis une robe de piqué blanc très résistante, à tout prix, elle veut faire comme les autres.

Cette sensation de frayeur qu’elle ne veut avouer, mais qu’elle ne peut chasser, tandis que pour la première fois, elle foule le foin dans la charrette. Son frère Jacques, qui dirige tous les travaux, ne peut s’habituer à voir cette beauté fragile perdue au milieu d’eux. Il est gauche avec elle, tous ses efforts ne parviennent pas à le mettre à l’aise.