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Quelques jours plus tard il rapporta ce que mes parents m’avaient acheté pour entrer décemment dans sa maison. Il ne vit que mon père. Ma mère et moi, nous nous étions réfugiées dans la chambre à coucher. Les deux hommes échangèrent peu de paroles, l’un et l’autre devaient craindre de se laisser entraîner trop loin. Nous attendîmes donc pour sortir de notre cachette qu’ils se fussent éloignés. J’entendis son pas jeune et ferme résonner dans la direction de la porte de sortie, suivi quelques minutes plus tard de la démarche alourdie de mon père. Comme je n’étais pas assez forte après l’ébranlement que je venais de subir pour supporter une querelle, papa fit taire sa colère en ma présence. Malgré cela, durant les quelques mois qui précédèrent ta naissance, je dus en entendre des remarques : « Tu aurais dû te faire aimer. L’amitié vient sur l’oreiller. C’était bien la peine que nous nous donnions tant de mal pour faire ton bonheur, tu n’as même pas su le garder. »

— J’étais bien tentée de leur dire : « oui, à condition que les deux y mettent de la bonne volonté. » Les seuls reproches que je me faisais avaient rapport au jour de ma fuite. J’avais manqué de diplomatie. Durant les premiers mois de notre vie de ménage, je pouvais me rendre le témoignage d’avoir mis toute ma bonne volonté à satisfaire mon seigneur et maître. Nous n’étions déjà plus de l’époque, où les parents se chargeaient de choisir l’épouse de leur fils, le mari de leur fille. Je me taisais, du premier moment de ma disgrâce, j’avais pris la