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quence virile et entraînante, la sûreté de son jugement si bien pondéré lui ont valu cette réputation qu’il mérite à un si haut degré, sans compter une présence d’esprit qui lui permet de planter une cheville qui fait toujours juste chaque fois qu’il rencontre un trou à sa portée. Je lui suis redevable d’un grand nombre de ces anecdotes et souvenirs que je publie aujourd’hui, et ce ne sont pas les moins drôles, tant s’en faut.

Joseph Martel est un homme de haute taille, pétillant d’esprit, mais mordant en diable. C’est bien simple : ce sont des étincelles électriques qui voltigent dans l’air quand il lâche un mot, et il arrache le morceau à tout coup.

Vous voilà en présence du trio.

Nos trois amis se trouvaient à l’hôtel de Joe Rivard attendant que leurs chevaux fussent attelés pour se rendre à Saint-Félix-de-Valois, une distance d’une vingtaine de milles environ, lorsque le convoi de Montréal stoppa en gare et Joe s’amena avec un voyageur que tous connaissaient mais qu’ils firent mine de ne pas voir. C’tait un bonhomme chauve, édenté, le front légèrement déprimé, les yeux perçants comme des vrilles, des oreilles larges en forme d’éventail qui se mouvaient toutes seules sous l’effort de la brise, un nez banal planté au-dessus d’une fente longitudinale annonçant un trou d’une profondeur insondable ; plus bas, un menton inoffensif.

Les quatre se mirent en route, chacun dans un « quat’roues » conduit par un habitant, dans l’ordre suivant : Corneillier tenait la tête de la